Légendes

Le prétendant.

Il y a fort fort longtemps, le Dragonlune traversait tranquillement le ciel nocturne quand il aperçut une frêle jeune fille, appelée Synopae de Kralipur,  collectant les fleurs blanches du lotus-nuit  aux abords d’un bassin montagneux.

Inspiré du désir ardent d’un homme pour une femme, Syrtis observa Synopae qui s’asseyait au bord du bassin, laissant la brise fraîche l’envelopper tandis qu’elle tressait les fleurs en un collier scintillant.

En s’asseyant, Synopae contempla la réflection de la lune dans le miroir tranquille du bassin. Quelques instants plus tard elle retourna à son occupation mais son regard fut de nouveau attiré par le bassin. A l’endroit même où se trouvait l’image de la lune, elle vit un homme nageant vers elle. Tandis qu’il sortait de l’eau, Synopae vit  qu’il était le plus bel homme qu’elle eut jamais vu, sans aucun doute un Dieu ou une passion. Mais Synopae était aussi sage que belle et bien qu’elle ressentit la piqûre de la flèche d’Astendar, elle ne se jeta pas à corps perdu dans les bras du bel étranger. Elle résolut plutôt de tester son prétendant.

Quand Syrtis approcha de sa bien-aimée, murmurant des mots d’amour, elle répondit : “C’est avec une joie infinie que je serais votre amour et votre vie, mais je me suis engagée à aider mon cher père malade. Sa fièvre se prolonge inexorablement, l’amenant sur les bords de la rivière de la mort, et le seul baume qui puisse le sauver est la piqûre d’une épine de rose qui pousse dans le jardin de la Reine des elfes.”

Entendant ces mots, Syrtis opina du chef et dit : “Je vous apporterai cette épine et votre père pourra vivre et voir sa fille mariée.” Sans attendre, il se mit en route vers la cour de la Reine des elfes. En prenant la forme d’un rayon argenté de la pleine lune, il passa le mur de feu et de glace qui protège le jardin de roses de la reine et cueillit une épine d’une vigne de roses.  Mais l’un des gardiens de la cour elfique choisit cette même nuit pour entrer dans le jardin et méditer sur l’éternelle vérité, et Syrtis fut contraint de se dissimuler et de retarder son évasion. Le temps pour lui de rejoindre Synopae l’attendant près du bassin dans la montagne, l’aube pointait déjà son doigt pour toucher l’horizon. La jeune fille dit à son prétendant :”Vous devez venir avec moi pour devenir mon époux et entrer dans la fondation de mes ancêtres.”

Mais Syrtis savait qu’avec l’aube venait le regard jaloux de sa consoeur, T’schlome le soleil. Frissonnant de crainte il répondit  “Je dois partir, mais je serai de retour pour vous la nuit de la prochaine pleine lune.”

La sage Synopae le regarda partir tandis qu’il disparaissait dans le lac, et peut-être alors en sut-elle davantage sur son amoureux.

Quand le nouveau cycle de la lune fut complet, et que la lumière de la nuit, de nouveau, brûla dans toute sa splendeur, elle retourna vers le bassin dans la montagne, là où poussait le lotus-nuit. Rapidement elle aperçut son bel étranger, retournant vers elle depuis le lac. De nouveau il approcha en murmurant les doux mots semés dans son cœur par Astendar. Mais Synopae s’éloigna de lui et dit : “Je me donnerais volontiers toute entière à vous, mais mon cœur porte les stigmates d’une froide et cruelle malédiction. Une sorcière est venue de la cour elfique et a enveloppé mon cœur d’une flamme éternelle qui détruira ceux qui seraient assez fous pour m’aimer. Le seul remède qui puisse contrer ce vil sortilège est une guirlande portant une orchidée de glace scintillante qui pousse dans le jardin du Dragon Ailes-De-Givre.

En entendant ces mots, Syrtis fut sur le départ. ” J’irai de nouveau voir mon vieil ami Ailes-De-Givre. Il pourra bien se séparer d’une fleur.”

Cette même nuit, il prit une forme de Dragon et entra dans l’antre d’Ailes-De-Givre, qui fit un grand accueil à son frère.

Ils marchèrent dans le jardin d’Ailes-De-Givre et parlèrent de l’orchidée de glace scintillante et de bien d’autres choses, comme est la coutume chez les Dragons. La nuit avança et bientôt Syrtis retourna vers sa bien-aimée qui attendait près du bassin dans la montagne.

Le doigt de l’aube pointait à l’horizon.

La jeune fille dit à son prétendant ” A présent vous devez venir avec moi pour devenir mon époux et entrer dans la fondation de mes ancêtres.”

Et le Dragon-lune enveloppa la jeune fille dans ses bras et lui offrit un baiser, mais avec l’aube venait le regard jaloux de sa consoeur, T’schlome le soleil. Frissonnant de crainte il répondit  “Je dois partir, mais je serai de retour pour vous la nuit de la prochaine pleine lune.”

Un mois de plus passa avant que Synopae ne revienne pour la troisième fois près du bassin dans la montagne. Cette fois elle prit soin de faire patienter Syrtis, et n’arriva que dans les dernières heures précédant l’aube. De nouveau Syrtis évoqua son amour pour elle, mais une fois encore elle ne se rendit pas à son désir, et dit “Je vous donnerais volontiers mon amour et ma vie, mais comment pouvez-vous entrer dans la fondation de mes ancêtres si vous ne pouvez rester qu’une seule nuit dans le mois? Si vous ne pouvez construire votre demeure dans mon village, alors vous devez préparer une demeure pour nous dans un autre endroit, un endroit tellement beau que je n’en appellerai pas à ma famille.”

 Le dragon-lune soupira, il venait d’être dépassé pour la troisième fois par l’astucieuse Synopae. Il dit  “Je vous montrerai un endroit où Je vous construirai une demeure cent fois plus belle qu’aucun autre village de la rivière. Et prenant sa main, Syrtis les fit s’envoler vers les gorges de Lalai. Là, il pénétra dans la Rochevie à Zirabul, et les anciens de la place saluèrent respectueusement leur seigneur. Il dit aux obsidiens de Zirabul, “Vous devez préparer cette place pour qu’elle devienne une demeure pour ma femme et ma famille, et ils cohabiteront avec vous à travers les âges”.

Puis Syrtis les ramena tous deux vers le bassin où ils passèrent ce qu’il restait de temps ensemble. Quand l’ombre du soleil apparut à l’horizon, le jeune homme regarda vers l’est, là où T’schlome se levait, et dit à Synopae ” La prochaine fois que je viendrais nous irons vers les halls de Zirabul. Synopae, qui n’était plus à présent une jeune vierge effarouchée, tenta de s’agripper à lui, mais il se volatilisa dans les airs sans laisser la moindre trace.

Alors Synopae comprit davantage de choses sur son amoureux, mais peut-être pas assez. La veille du jour où la lune accomplit son cycle, l’orbe du soleil déclinait sur Kralipur, et T’sclome apparut devant l’amoureuse de son fiancée. “Il serait préférable pour toi que tu restes en ta demeure ce soir”, dit T’sclome à Synopae. Si tu devais revoir de nouveau mon fiancé, je te détruirais, toi ainsi que tous tes proches”

Lorsque Synopae sentit la chaleur furieuse du soleil jaloux, elle paniqua et dit : “Je ferai comme vous l’ordonnez, mère du jour, accepterez-vous cette guirlande comme un don de ma dévotion et un baume pour apaiser votre courroux?” T’sclome fut si ravie du cadeau de la jeune fille qu’elle ne remarqua rien lorsque le contact avec l’orchidée de glace scintillante fit tomber une écaille de sa poitrine. Synopae, quant à elle, n’attendait que cet instant, et en l’espace d’un battement de cœur, elle s’empara de l’écaille et sortit l’épine de rose elfique. L’écaille en main, elle y tissa rapidement un filament et dit à T’sclome:” mon temps avec votre fiancé ne sera qu’un instant superficiel dans la longue vie des immortels, mais pour ce labs de temps, ce filament nous protégera, ma famille et moi.”

Disant cela, elle utilisa sa puissante magie et renvoya le soleil jaloux vers le ciel. Cette nuit, le seigneur Syrtis arriva au village de Kralipur dans le bateau qui transportait la lueur de la nuit, emportant Synopae et sa famille vers leur nouvelle demeure dans les gorges de Lalai.

Dans le temps, Synopae donna à Syrtis quatre fils et quatre filles, qui se nourrirent chacun à la poitrine de la lune elle-même, ainsi, à travers le temps, les descendants de Synopae s’appelèrent eux-mêmes la maison Syrtis, la maison du Dragon-Lune.

Lorsque T’schlome découvrit la tricherie de Synopae, la dragon du soleil entra dans dans une rage folle et jura de se venger de Synopae et sa famille. Après avoir longuement médité sur la question, elle confia l’orchidée de glace scintillante à Astendar le bâtisseur. Usant de mots mielleux pour piéger sa proie, elle défia la passion de surpasser en beauté et en désir ce qu’Ailes-de-Givre et Jaspree avaient si bien conçu.

Acceptant le challenge du Dragon, Upandal retourna vers son atelier, déterminé à prouver à T’sclome qu’il était l’égal et même plus de Jaspree la donneuse-de-vie. Après plusieurs années de travail, durant lesquelles les enfants de synopae étaient devenus adultes, Upandal apparut avec sa pièce maîtresse, la réplique parfaite d’une orchidée forgée en or, en verre et en cheveux de vierge. Enfin, pour prouver à T’sclome à quel point ce challenge fut aisé, il la lui tendit tranquillement comme s’il s’agissait d’un gobelet.

T’schlome prit le cadeau d’Upandal et le plaça dans un coffret sur lequel elle inscrivit ces mots : ” pour la plus belle”. Puis elle s’envola vers le cœur du bois du Wyrm où les Passions étaient invitées pour bénir les vœux de mariage de la princesse Aena et le prince Gamelan de Sereatha. Lorsque la cérémonie commença, T’sclome persuada Vestrial le piégeur de livrer le coffret sur la table du banquet. Aussi sûr qu’après la nuit vient le jour, les Passions trouvèrent le coffret et l’ouvrirent. Tous ceux qui aperçurent l’orchidée d’or forgée par Upandal furent pris d’envie de le tenir entre leurs mains.

Bientôt, Aena, Astendar, Erendis et Jaspree argumentaient pour celui ou celle à qui l’orchidée était destinée. Aena affirma qu’elle était un cadeau de son prince. Jaspree affirma qu’il s’agissait d’un signe d’approbation d’Ailes-de-Givre, pour sa ressemblance avec l’orchidée de glace scintillante. Astendar et Erendis, bien sûr, pensaient simplement qu’ils étaient les plus beaux, et donc qu’ils étaient chacun les destinataires. Garlen eut un mauvais pressentiment et préféra sagement de garder le silence. Upandal, tout du long avec Chorrolis, ayant bu beaucoup de vin à la fête, trouvait la situation tellement amusante qu’il garda secrète la vérité.

A cette époque à la cour des elfes se trouvait un conseiller nommé Elidar que chacun considérait comme le plus sage courtisan de la Reine. Le prince Gamelan proposa alors que chacun des prétendants se heurte à la sagesse d’Elidar. Après délibération chacun accepta et après grande réflexion Elidar dit à Aenea ” En comparaison de la beauté des mortels la vôtre est insurpassable, mais vous ne pouvez pas comparer votre beauté à celle des passions immortelles”. A Astendar et Erendis il dit “Bien que chacun de vous ait une beauté bien au-delà de la sphère mortelle, en vérité votre beauté est une dérivée car la beauté réelle réside dans le renouvellement permanent de la vie elle-même.” Et se tournant vers Jaspree il dit ” La vie dans toutes ses formes trouve la paix et l’inspiration dans votre sein, ô gardienne du monde,  et vous êtes donc sans conteste la plus belle.”

Suite au jugement d’Elidar, la générosité s’empara du cœur de Jaspree, et la Passion favorisa le peuple elfique avec le tresse-lierre magique et le bois qui rendit leurs bateaux invincibles.

Lorsque ces cadeaux firent basculer la vie des enfants de Synopae,  Upandal eut des remords sur la façon dont t’chlome l’avait trompé et envisagea donc de redresser la balance en donnant aux t’skrangs la vision des bouches à feu.

Le conflit qui s’ensuivit entre les elfes et les t’skrangs s’envenima et emmena avec lui les passions qui suivaient les deux peuples attentivement. Chorrolis et Upandal se rangèrent du côté des enfants de Synopae , quant à Jaspree et la plupart des autres ils supportèrent Aena et le peuple elfique. Après un conflit qui dura dix ans, dix mois et dix jours, Upandal envisagea de mettre fin à la vendetta qui avait tant coûté aux enfants de Synopae. Comme une évidence à son désir de paix, Upandal se fit la promesse d’éviter aux autres donneurs de noms d’apprendre le secret des bouches à feu, une promesse qu’il a tenue jusqu’à ce jour.

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