Scénario

Scenario #1 – par Montaro.

Le 08 Veltom 1506 TH.

Le conseil m’avait missionné pour laisser trainer une oreille afin de toujours anticiper les crises et d’y remédier avant qu’elles n’explosent. Prendre le temps d’observer, d’écouter, d’échanger, c’est ma façon de contribuer à cet équilibre qui fait de nous tous un peuple digne de nos ancêtres.

Jusqu’à présent, quelques débordement avait étés réglés sans trop faire de vagues. Aujourd’hui je devais rendre compte d’un événement inquiétant. Un événement qui concernait le dehors…

Ce soir, Moraël Dartham, Elysia Vorfeld, Orik Dartham, Guérak Main-de-fer et Tureem Méliok étaient présents pour écouter ce que j’avais à leur dire.

Devant le conseil je pesais chacun de mes mots pour être le plus factuel possible. Heureusement pour moi, ce soir l’archiviste n’avait pas été convié. je me demandais si son absence était liée à la nature délicate de ce que j’allais révéler. Peut-être qu’il ne fallait pas consigner tous les secrets…

Ellahar et son cercle d’érudits était connus pour leur arrogance, certainement liée à leur jeunesse. J’étais agacé de devoir perdre mon temps à les écouter déclamer des poèmes d’avant le châtiment. À fabuler sur le dehors, ses mythes et ses légendes, mis en scène avec une légèreté trop irrespectueuse . Mais cette fois ci, Ellahar avait dépassé la frontière de la raison en évoquant avec trop de passion et de violence sa volonté de franchir la porte du kaer. Son regard n’était plus celui du comédien mais celui d’un chef de meute, d’un bleu profond et glacial. Il entrainait dans son délire ses camarades qui buvaient ses paroles.

Il ne fallait pas prendre à la légère ce genre de comportement qui peut mener à une remise en questions des règles fondamentales du kaer. Ou pire.

J’aurai pu rentrer un peu plus dans le détail si je n’avais pas été interrompu par trois coups sombres et francs sur la porte de la salle du conseil. Son odeur et son aura le trahissait. Il était respecté autant que craint, je préférais donc me mettre en retrait pour réagir en fonction de ses actes.

Korrode entra dans la pièce. Je baissais les yeux en signe de respect mais il était facile de voir à quel point son entrée était mise en scène. Une fois de plus. À ma grande surprise, il coupa court à tout protocole pour nous annoncer sans détours ce qui allait faire basculer cette journée, notre équilibre, notre vie.

Un homme était mort. Il n’avait pas perdu la vie de façon naturelle ou accidentelle, il n’était pas malade ou suicidaire… On lui avait pris la vie.

Je sentais dans mes yeux comme une brume, comme un voile m’empêchant de réfléchir. L’idée de prendre la vie d’un autre était inconcevable. Les horreurs prenaient la vie, l’âge ou la maladie prenaient la vie. Mais qui pouvait…

Le brouhaha de mes questions se mêlait à toutes celles des personnes présentes dans cette pièce. Il fallait réagir.

J’étais étonné de voir à quel point l’adepte Korrode pouvait énoncer les faits de sa voix monocorde, je sentais cependant qu’il serait un allié, grâce à son sang froid et son détachement.

Elysia Vorfeld, seule adepte représentante au conseil, devait aussi pouvoir user de son aura solaire pour résoudre cette situation, grâce à sa franchise, à la chaleur de son cœur.

Tout est question d’équilibre. J’en était le garant. Enfin je m’en imposais la responsabilité.

J’aime bien Orik Dartham, même si sa naïveté surpasse son incompétence. Et puis, comme dit l’adage, heureux les simples d’esprit. Au moins, s’il se joint à nous il ne pourra pas faire de bêtise…!

Ce moment qui avait duré quelques minutes m’avait paru long comme un cycle solaire. Il fallait maintenant réagir, et, avec l’aval du conseil, il fallait se rendre sur place, récolter des informations et des témoignages…

Notre point de rendez-vous était en bas de l’escalier sud du chemin des morts. J’avais l’habitude de m’entraîner là-bas. Je trouvais le silence et la solennité du lieu inspirant. Ces dernières semaines, j’avais discrètement suivi Lane. En pensant à lui, j’ai soudainement réalisé que nous allions le voir mort. Que nous allions voir son corps abîmé par le preneur de vie.

Lane était sur le point de voir sa vie basculer. Le malheureux ne savait pas que cela serait si tragique. Il était disciple de l’adepte archet Caraleï. Le jeune homme allait devenir adepte à son tour. Nous attendions l’événement prévu le 11 Veltom. Il avait pris l’habitude de se rendre au mausolée de l’adepte archet Velish’Omel pour se préparer à son élévation.

Dans mes souvenirs, le chemin des morts est plongé dans une obscurité totale. C’est assourdissant. La brume envahit de nouveau mes yeux alors qu’une lueur de quartz violet vient rompre cette noirceur. Dans un concert de chuchotements, de tintements et autres cliquetis, nous voyons les silhouettes d’Orik et d’Elysia arriver.

Chacune des marches que nous gravissons nous fait ressentir le poids de l’effroi qui nous envahit. Seul Korrode semble profiter de la situation. Il garde la tête haute et toute l’assurance qui le caractérise. On ne peut pas lui en vouloir. Pourtant Elysia ne peut cacher son agacement. À la lueur violette de son quartz nous découvrons pas après pas les mausolées des adeptes. Ils nous rappellent que notre passage dans le kaer Amara ne durera pas plus qu’un battement de paupière face au poids des souvenirs de la vie d’avant et du sacrifice des anciens.

J’ai toujours ce sentiment de mélancolie quand je passe sur ce chemin. À ce moment, ce sentiment est exacerbé.

Le mausolée de Velish’omel est entouré d’une grille de fer forgé. Le portillon ouvert donne sur un petit espace. Le sol est souillé par le sang. Nous y sommes. C’est ici qu’Ellyn, disciple de Korrode, a trouvé le corps sans vie de Lane. C’est ici que ce nouveau chapitre commence.

Nous sommes au milieu de la nuit. Les derniers tumultes du centre du kaer s’estompent pour laisser place au silence. Nous sommes quatre : Korrode, Elysia, Orik et moi, Montaro. Nous sommes ici pour résoudre cette énigme. Est-ce qu’Ellyn est réellement mort, assassiné ? Par qui ? Pourquoi ? Toutes ces questions doivent trouver une réponse, mais il faut s’organiser. Il faut savoir quoi dire, à qui, quand… Il faut être méthodique. Il semblerait que notre troubadour ne partage pas cet avis, car elle entonne déjà quelques vers. Orik aurait marché dans le sang si je n’avais pas anticipé sa maladresse. Il faut être méthodique… Korrode semble se délecter de la situation. Être méthodique…

Il faut dès lors nous rendre auprès du corps et recueillir le témoignage des disciples et surtout celui d’Ellyn.

Après quelques minutes de marche, signant tour à tour notre respect pour ceux qui ont façonné notre histoire, nous arrivons au baraquement des apprentis. Consternés par la situation, ils nous attendent alignés, comme pour recevoir un énième ordre agacé de leur maître. Ce dernier, étonnement, fait preuve d’une once de compassion. Après nous avoir présenté l’unique témoin du crime, Korrode indique à chacun une tache afin de les garder sous sa coupe encore quelques heures.

Le jeune elfe parait encore vraiment troublé par ce qu’il a vécu, qui ne le serait pas? Il nous explique qu’un bruit de voix l’avait soudainement attiré alors qu’il effectuait sa ronde sur le chemin. Un bruit trop fort en ce lieu de recueillement. Une vive altercation, des voix masculines. “Je me suis précipité malgré les recommandations” nous dit-il. À mesure qu’il nous raconte son histoire, son cœur s’accélère, son souffle se coupe et sa peau déjà blanche devient livide. Il nous dit avoir aperçu une silhouette de corpulence moyenne s’enfuir en courant à l’opposé du Chemin des Morts. Ellyn stoppe son récit au milieu d’une phrase et semble chercher le regard approbateur de Korrode. Ce dernier plisse les yeux comme pour l’ordonner de continuer. Le jeune apprentis joint ses mains et baisse la tête comme si de nouveau il regardait au sol la dépouille de Lane. Je ne sais plus s’il a prononcé le moindre mot mais j’ai vu par ses yeux le spectacle qui le hanterai jusqu’à la fin de sa longue vie.

Il était temps d’aller voir le corps, d’abord Korrode, cela va de soi. Je profite de ces quelques instants devant l’office du nécromancien pour envoyer Orik loin de ce que je voulais secrètement partager avec Elysia. Leïn avait eu des mots avec Ellahar. L’elfe l’avait provoqué sur sa condition de futur adepte : ce n’était pas possible qu’un simple humain pouvait accéder à ce rang alors qu’un elfe avait échoué. Alors qu’elle m’écoute avec attention, je vois dans nos regards que des points commencent à se relier, méfions nous des certitudes. Nous sommes interrompus par Korrode qui hurle le nom de son apprentis.

Alors qu’une violente odeur me stoppe nette dans ma volonté d’entrer dans le bâtiment je me retrouve à plusieurs mètres de là comme projeté par une vague de dégoût. Il me faudra quelques instant et très certainement une toilette pour me remettre de mes émotions et de cette sensation de malaise. Je vois Elysia s’éloigner un peu, certainement pour les mêmes raisons que moi.

La fatigue se fait sentir. j’ai besoin de repos pour avoir les idées claires. Mon corps et mon mental résistent plutôt bien au manque de sommeil. Mon instinct de survie aussi. Mais je ressens clairement le besoin de me concentrer pour agir sans risque. Ce n’est pas le moment de flancher.

Korrode sort de son antre, déplie son corps gigantesque et nous confirme avec son éloquence professorale que la victime avait bien reçu un coup d’un arme contendante, légèrement pointue, au niveau de la tempe. Qu’il n’y avait aucun doute selon lui, nous étions devant une mort provoquée. Il y avait donc parmi nous un preneur de vie.

J’ai besoin de repos.

J’ai besoin de dormir pour avoir les idées claires.

Nous convenons d’un lieu et d’une heure de rendez-vous avec la promesse de ne pas se précipiter avant d’avoir programmé notre plan d’action.

Je rentre chez moi de manière instinctive, laissant tout mes sens en alerte.

Le 09 Veltom 1506 TH.

La nuit a été mouvementée. D’habitude quelques heures me suffisent pour récupérer. Ce matin, mon corps est reposé mains mon esprit est préoccupé. Le preneur de vie est ici, peut-être à quelques mètres. Nous partageons le même air, la même eau, la même histoire…

J’arrive le premier sur la place centrale, rejoins rapidement par Elysia et Korrode. Nous avons chacun réfléchit à la situation, mais il est trop risqué de laisser échapper une information. J’invite donc les deux adeptes à me rejoindre chez moi. Le dernier endroit dont je suis sûr depuis cette nuit. Devant un verre de hurlg nous mettons carte sur table.

Il faut être discret, c’est la volonté du conseil nous annonce Elysia. Ça tombe bien c’est aussi ma faon de voir les choses. Nous devons accepter de ne pas tout dire, de volontairement cacher des choses afin de trouver des informations. Il ne faut surtout pas semer la panique dans le kaer, ça serait catastrophique. Je sais qu’il va falloir que je freine la troubadour qui parle beaucoup. Après quelques instant nous sommes d’accord pour dire que le peu d’informations que nous avons convergent vers le quartier des elfes. Quand nos verres seront vides, nous irons rendre visite à Caraleï, l’adepte archet, elfe et maître de celui dont on a pris la vie…

Le 09 Veltom 1506 TH.

Alors que nous discutons de notre plan d’action, mes sens en alerte m’indiquent la présence d’un de mes apprentis. C’est bien il est assidu, il faudra qu’il travaille encore son approche mais c’est prometteur. Je saute sur l’occasion pour le surprendre et le missionner sur l’activité du jour. Aujourd’hui ce sera exercice pratique et déploiement sur le terrain. Je profite de l’opportunité d’avoir 4 jeunes en formation pour servir notre quête. Ils devront couvrir les différents quartiers afin de laisser traîner une oreille ou un œil, à l’affut de tout ce qui pourrait sortir de la routine dans laquelle nous nous confortons. Le jeune semble sentir dans ma demande une tension qui montre qu’aujourd’hui, ce n’est peut être pas un simple exercice.

Nous sortons de chez moi et prenons la direction du nord est, là ou Caraleï a installé son camp d’entrainement. Il est en lisière des terres agricoles à l’est du quartier des hommes. À chacun de mes pas une question surgit dans mon esprit comme un sac de sable qu’on ajouterait à ma ceinture. Et si l’adepte archet était coupable ? Et si il ne nous croyait pas ? Et si nous avions mis le pied dans un engrenage qui conduirait à notre perte ? Pourquoi Ellahar…? et surtout pourquoi Lane…?

Mon corps m’envoie des signaux que je ne comprends pas. Mes pas sont lourds et sans énergie, si bien que je ferme la marche la tête basse. Mes compagnons échangent quelques mots mais je n’arrive pas à me concentrer. Après avoir traversé un petit pont, je prend une vingtaine de seconde pour reprendre mon souffle. Comme en situation de stress intense, je prend trois inspiration courte pour une expiration lente. Jusqu’à vider mes poumons. Après ça mon visage se fige le plus neutre possible et je relève la tête.

J’aperçois à quelques dizaines de mètres le muret qui encercle les différentes pistes de tir. Caraleï enseigne à ses apprentis la philosophie de l’archerie. Entre deux conseils il pose longuement son regard perçant sur chacun de nous, comme pour sonder notre âme. C’est ce que font souvent les elfes, cette communication silencieuse qui annonce la joute à venir. J’ai beaucoup de mal avec cette façon de faire mais je garde la tête haute et surtout je prends appuie sur Elysia et Korrode qui pour l’une est habitué au dialogue avec emphase et pour l’autre aux échanges sans détours, concis et directs.

Comme tous les instants depuis hier soir, rien de ce que j’avais pu imaginer ne se passe comme prévu. À peine avons nous eu le temps de salut l’adepte Caraleï que ce dernier, comme s’il avait lu en nous, nous interrompt et reçoit de sa propre imagination l’annonce du décès de son apprentis, futur adepte Lane. Caraleï s’effondre et son visage se couvre de larmes. Aucun doute, il est très affecté par cette nouvelle. Son absence de surprise est justifié par le constat qu’il avait fait le matin même sur le retard exceptionnel de la victime. C’était inconcevable. Sa crainte prenait vie alors qu’on lui annoncé la mort de celui dans lequel il avait placé tous ses espoirs.

Il nous invite à entrer dans la pièce qui lui sert de bureau et de rangement. Il ne lui aura fallu que quelques secondes pour se remettre et pour transformer sa peine en colère. C’est fascinant. Comme s’il était un autre, il nous assaille de questions sans écouter nos réponses à peine… Malheureusement il ne peut se contenter de nos recherches si peu convaincante, il balaye même d’un revers notre seule piste sérieuse, celle de son ancien disciple Ellahar. Je ressens en lui le désire de vengeance, il ne pourra pas prendre le temps de se raisonner. Nous lui conseillons donc d’aller voir Moraël Dartham. Très vite Caraleï coupe court à nos échanges et nous invite à poursuivre notre enquête, il part de son coté, déterminé.

Il est aux alentours de midi, nous avançons sur le chemin en décidant de la suite de notre journée, sans cesse remise en question. Elysia doit se rendre dans le centre afin de jauger l’esprit du kaer et surtout afin de transmettre des consignes à ses disciples. Nous décidons avec Korrode de reprendre notre enquête à la base et d’aller voir l’épicentre de ce crime, le mausolée ou repose Velish’Omel**.**

Pas après pas, mon corps me parle et j’ai du mal à le comprendre, comme si ce jour sans repère me forçait à être simple spectateur de mes actes. Je sens comme des fourmis dans les jambes et dans les doigts.

Nous arrivons à l’obituaire mais cette fois ci je décide de laisser le nécromancien confirmer sa théorie sur l’arme du crime. je profite de cet instant seul pour faire à nouveau quelques exercices de respiration et de concentration et… Je sais! il faut que j’assainisse mon corps de ses toxines si je veux que mon esprit retrouve la voie. La discipline du corps pour la lucidité de l’esprit, c’est ce qui fait de nous, les adeptes voleurs, des des êtres équilibrés.

Korrode sort de son antre, imprégné d’effluves qui me rappellent un certain dégoût. Il semble préoccupé et m’explique que sa théorie du marteau ne tient pas la route. Qu’un tel outil n’est pas dimensionné pour faire de tels dégâts. Je lui propose de nous rendre sur place, d’un pas soutenu, nous ne perdrons pas de temps et je dynamiserai mon corps. Un regard amusé sur mon empressement, comme un déclencheur, me fait sortir de mon impatience et sans attendre un quelconque mot je m’empresse de bondir d’un pierre à l’autre enjambant les marches 4 à 4. Je sens mon cœur battre et mon corps retrouver peu à peu un rythme, une symbiose. Je jette un œil au loin et je vois le mausolée s’approcher, la noirceur de cette épreuve m’envahit peu à peu mais cette fois je saurais l’affronter de tout mon être, c’est certain.

À peine le souffle court, je ralentis la cadence sur les derniers mètres afin de ne passer à coté d’aucun indice. Mon œil aiguisé comme une lame scrute chaque détail mais à peine posé sur la grille du sanctuaire je suis attiré par l’état de la serrure. Elle a été endommagée grossièrement, c’est certain c’est l’œuvre d’un néophyte en la matière, ayant fait passer la force avant la compréhension et la dextérité. Un amateur. Au sol devant moi, au delà des barreaux, j’aperçois une petit bout de métal taillé pour celui qui s’essaie au crochetage physique, c’est amusant. Je reste concentré et mon œil est attiré à nouveau par un détail sordide. J’en suis certain, la pierre qui marque l’angle du muret et taché d’une trace de sang.

D’une scène choquante la nuit dernière nous sommes face aujourd’hui à une scène qui va nous révéler beaucoup de secrets j’en suis certain. Le maître des lieux arrive et avec du tact je lui montre mes différentes découvertes. Pour la première fois, je perçois chez Korrode un certain agacement, son rythme cardiaque s’accélère et je perçois chez lui une colère naissante. Lui qui d’habitude reste taciturne. Après avoir analyser la tache de sang, Korrode en est certain, le crâne de la victime a frappé cet endroit et lui a causé la mort.

Nous tentons d’ouvrir la grille mais en vain. La serrure est trop endommagée pour que la clé fonctionne. Je me dois de lui proposer mon aide.

En général, pour ce genre de pratique je suis seul… Je me concentre autant que faire ce peut et déclenche dans ma main la magie qui me sert à analyser, comprendre et résoudre ces mécanismes. Un fluide spectral semble s’évaporer du bout de mes doigts, il s’insert dans les interstices de la serrure puis après quelques instants le loquet se fait entendre. Je laisse le soin aux nécromancien d’ouvrir la porte. Il pénètre dans la petite cour précédant le mausolée tout en observant si le lieu a été visité. Lorsqu’il s’approche de la porte en pierre sculpté d’un bas relief il constate que la serrure a elle aussi été forcée. Toujours agacé Korrode tente en vain d’ouvrir la porte. Je ne suis pas rassuré à l’idée d’entrer dans l’enceinte de ce monument mais il faut découvrir ce qu’il se passe. Après quelques manipulations la porte est ouverte. Je me recule. Il se précipite. Quelques instants plus tard il ressort et explique qu’il a vu au sol un cercle tracé d’une poudre blanche, certainement du sel. Qui a bien pu profaner ce lieu pourquoi ?

J’explique à Elysia qui nous a rejoins ce que nous avons trouvé. Je sens l’adrénaline monter en moi. Il faut absolument savoir si d’autres mausolée ont été profanés. Alors que j’arrive devant la tombe de l’adepte voleur Lael je marque un temps d’arrêt. Mon œil est attiré par la serrure elle aussi endommagé, mon sang ne fait qu’un tour. J’informe mes compagnons de la situation. Nous décidons d’entrer. Korrode a du m’observer travailler car il réussit à son tour à ouvrir les serrures endommagées. Le couvercle du sarcophage est ouvert… Aucun corps… Nous retournons avec précipitation constater si le corps de l’autre adepte était encore dans sa tombe.

Heureusement, si l’on puis dire, le corps momifié de l’adepte archet et bien dans sa tombe. S’en est trop, il faut mettre tout ça au clair.

Après avoir remis chaque chose à sa place et après avoir retrouvé nos esprits nous décidons de nous rendre au conseil à fin d’en informer Morel et l’archiviste. Nous faisons part à ces derniers chaque détail de nos découvertes. L’archiviste, bien que garant de l’histoire du Kaer est abasourdi. Il en est certain il ne s’est jamais passé une chose de la sorte depuis la fermeture de la porte. Après quelques échanges, Morel nous propose d’aller rencontrer l’adepte Vastan, spécialiste de la magie. Il pourra nous renseigner sur l’utilisation du sel dans de telles circonstances.

Nous nous rendons donc dans le quartier des nains. L’adepte vit dans une petite maison pleine de bric et de brocs, de lumières, de miroirs, de fioles, une multitude de couleurs. J’entre, suivi de Korrode et d’Elysia. Vastan est un personnage solaire il a parfois du mal à me regarder dans les yeux. Sûrement parce qu’il est attiré par l’ensemble de ce qui nous entour, matériel et immatériel. Son regard souriant nous fait comprendre qu’il a quelques indices pour nous quand on lui parle du sel et des questions qu’on se pose sur son utilisation. Sans dire un mot le nain nous invite à le suivre. Nous traversons le quartier pour nous rendre devant la maison du gestionnaire des entrepôts, Markel. Je frappe à la porte.

Un homme nous ouvre. Il paraît étonné de voir quatre adeptes à sa porte. Nous ne tournons pas autour du pot et lui demandons sans tarder s’il a pu constater la disparition de sel. Il fait mine de réfléchir et au bout de quelques secondes il nous indique qu’en effet il a ramassé une caisse de sel forcé et vidée de quelques sacs. Sans s’inquiéter plus que ça il nous explique qu’il a rangé la caisse et est passer à autre chose.

Nous ne sommes pas plus avancé dans notre histoire.

Le magicien insiste grossièrement pour que nous questionnions Markel à nouveau. Il a dû comprendre ou percevoir quelque chose que je n’ai pas vu. Chacun notre tour nous l’interrogeons jusqu’à ce qu’il nous fasse part de la disparition d’une pièce d’Orichalque. La monnaie d’avant le châtiment, elle est inutile de nos jours…

Cette réponse nous apporte une fois de plus beaucoup trop de questions. Heureusement sur le retour vers son laboratoire, l’adepte Vastan sort de son silence avec un grand sourire et nous explique qu’il existerait un rituel ancien réservé aux adeptes du cinquième cercle. Ce rituel permettrait de faire revenir une entité afin d’enseigner tout le savoir pour passer au cercle supérieur. C’est ce qu’on appelle le rituel du maître fantôme.

Peut-être avons-nous enfin un élément de réponse à toutes nos questions. Avant de quitter le magicien ce dernier nous indique qu’étrangement il a présenté à ses apprentis ce rituel il y a quelques jours…

Nuit du 09 au 10 Veltom 1506 TH.

Je ne sais pas si c’est le mélange d’adrénaline et de fatigue ou si c’est la peur mais mon esprit est troublé. Nous décidons de rapidement aller voir Dorak Welnok l’archiviste afin de constater si des ouvrages ont été empruntés, consultés ou au pire… volés. J’ai le pressentiment que je vais trouver un de mes apprentis, ça serait le moment idéal pour qu’il me tienne au courant de ses recherches. Pas manqué, Jerriv, un jeune nain prometteur m’attend à un de nos lieux de rendez-vous habituels. Mon élève m’informe sur différents détails qui ont attiré son attention. Quelques broutilles à mes yeux mais il a fait son travail. Je lui cache mon admiration, sans oublier de le féliciter pour autant. Je lui propose de se concentrer sur trois points avec des consignes plus claires : Faire le tour des adeptes, surveiller la milice, surveiller le carré des Elfes.

Nous reprenons notre chemin vers le quartier des entrepôts, où se trouvent les archives. Sur mes gardes, à l’approche du bâtiment, j’entends des voix troubler le calme habituel de la bibliothèque, sanctuaire du savoir du kaer. En prêtant un peu plus attention je remarque les voix juvéniles des enfants de Dorak. La jeune Périsse et son frère Gorden doivent assister leur père dans les recherches que nous lui avions confiées. Je laisse Elysia et Korrode échanger avec le maître des lieux.

Le bâtiment est impressionnant. Quelques tables permettent aux curieux, à certains adeptes et à leurs apprentis de venir consulter les ouvrages et autres archives. Les étagères, qui s’étirent du sol au plafond, sont remplies de grimoires poussiéreux, de manuscrits anciens et de livres reliés à la main. Certains ouvrages sont enfermés dans des vitrines, protégés des mains curieuses par des barreaux en fer forgé. Très certainement des livres et des dossiers, des documents qui relatent les histoires du passé, les légendes oubliées, les recettes et tous les savoirs. L’ambiance est apaisante.

Sur un piédestal en pierre, surmonté d’un lutrin finement ciselé trône le Livre de Demain. Garant de notre survie.

Au centre de la bibliothèque, une grande table en bois massif est couverte de parchemins déployés, de cartes anciennes, et d’instruments de mesure étranges. Des plumes d’oie, des encriers, et des rouleaux de papier sont disposés de manière ordonnée, prêts à être utilisés par ceux qui aspirent à documenter leurs découvertes ou à déchiffrer des textes anciens. Nous avions chargé Dorak de se renseigner sur les cercles dans la magie, peut-être le manque de temps ou de précision dans notre demande, Le vieux nain n’a rien de concret à nous transmettre.

Korrode souhaite voir les différents recueils de magie où pourraient être retranscrit des formules magiques, pas de trace de rituel…

Je suis contrarié.

Il me faut me recentrer. Il me faut ma couche pour reconstruire mon corps et mon esprit. À peine ai-je eu le temps de dormir quelques minutes que j’entends à ma porte le souffle court d’un humain. Mon sang ne fait qu’un tour, je saisi une petite lame que j’ai toujours à portée de main et j’ouvre par surprise la porte qui nous sépare et lui glisse avec dextérité et énervement mon kukri sous la gorge. Son teint blafard vire au livide, la seule chaleur qu’il ressent c’est celle de sa propre pisse coulant le long de ses cuisses. Sur la pointe de pieds il baragouine, la morve au nez, avec toute l’incompétence qui le caractérise. Je comprends que Korrode m’attend au mausolée. Quand tout ça va-t-il finir. Quand pourrais-je reprendre cette routine qui fait de moi quelqu’un de sensé et surtout qui me permet de contrôler cette violence que j’ai du mal à maitriser?

Il faudra aussi que je me pose la question de ce mépris que je ressens pour les hommes de la milice, ces anciens apprentis ayant raté l’accession à l’adeptat de guerrier.

À l’approche du mausolée, je sens qu’il est de mon devoir de prendre les choses en main. C’est le moment d’user de mes compétences de négociateur et de mon aisance à parlementer, à remettre la raison au centre de l’intérêt de tous.

Korrode m’informe qu’il a perçu dans les ombres du couloir, une âme en peine.

J’avance pas à pas, en essayant d’être le plus discret possible, le long du couloir qui mène à la bifurcation. Tout cela aurait pu être efficace, c’était sans compter sur la maladresse crasse des miliciens qui m’assistent. Enfin qui essaient.

J’avance avec prudence dans le couloir sombre du mausolée, mes pas résonnant légèrement sur les dalles de pierre usées par le temps. Le seul éclairage provient de mon quartz bleu sombre dont la faible lumière projette des ombres dansantes sur les reliefs sculptés des murs funéraires.

Le couloir semble interminable, et les arches au-dessus de ma tête donnent l’impression d’un passage sans fin vers l’inconnu. Des inscriptions énigmatiques et des bas-reliefs décrivant des scènes de vie après la mort ornent les différentes urnes.

Alors que je poursuis mon chemin, les ténèbres semblent se refermer derrière moi, rendant la retraite plus difficile. Chaque recoin offre une possibilité de danger ou de découverte, et l’écho de mes pas semble résonner dans l’éternité du mausolée, me rappelant que chaque pas me rapproche d’un destin incertain dans les profondeurs du couloir sombre.

Je me concentre.

Sa silhouette d’ork ne me laisse aucun doute. C’est Ragland Sirak.

Il se tient au croisement entre la brutalité instinctive de sa race et les tumultes complexes de son esprit tourmenté. Sa physionomie robuste et sa peau sombre et salle sont en contraste frappant avec le chaos intérieur qui l’habite. Son regard parfois fuyant parfois emprunt de tristesse ou de folie se ferme soudainement quand je lui adresse la parole.

La folie de Ragland se manifeste par des moments de clarté brutale, où il peut être conscient de son environnement et de ses actions, alternant avec des épisodes de déconnexion où il semble perdu dans un monde intérieur tumultueux.

Il y a autour de lui, dans une puanteur insupportable, une accumulation d’objets, de reste de nourriture, de crasse… Une couche au sol semble indiquer qu’il vit ici depuis quelques semaines.

Je peux apercevoir une urne vide renversée. C’est sans nul doute celle de l’adepte Bria.

Au fond, sur l’enceinte extérieur du kaer, renforcé magiquement par l’orichalque, je peux distinguer une fissure anormale. d’une hauteur de 2,5m s’évasant vers le bas. Ça ne peut pas exister. C’est anormal. Je sens monter en moi une angoisse bien plus forte, une sensation inconnue jusqu’alors. Une vraie peur viscérale.

Alors que j’essaie de prendre contact avec l’Ork, je comprend très vite que la présence des gardes sera un obstacle. Je sais maintenant quel est la mal qui se terre au fond de cet endroit. Je peux facilement, sans prendre trop de risque, renvoyer les miliciens.

Je promet à Ragland de revenir le voir dans quelques minutes.

À l’extérieur, Korrode garde la porte.

Elysia ne tarde pas à arriver.

Nous échafaudons un plan pour maitriser sans le tuer, ce forçat instable. Il est armé, mais surtout il n’est pas conscient de son déséquilibre.

Les deux adeptes se placent dans l’encadrement de la porte alors que les les miliciens s’installent pour une haie d’honneur improbable et ridicule.

J’avance seul, avec pour motivation mon aplomb et ma confiance en moi.

Ragland oscille entre espoir et noirceur. Il est tellement instable que je ne sais pas quel biais le faire sortir de sa tanière. J’ai l’habitude de m’exercer sur ceux qui ont tendance à trop abuser du Hurlg. Cette fois ci je vais devoir mettre en pratique tout ce que j’ai appris et enseigne à mon tour.

J’ai beau le raisonner, il est trop instable, aucune de mes approches ne fonctionne face à son irrationalité.

Je sens son souffle s’accélérer alors qu’on approche de la sortie. il est à un mètre de moi tout au plus.

Son œil vire et je vois dans le blanc de son regard comme un flash de folie plus extrême encore. Il a vu la mise en scène ridicule qui l’attend au dehors. Je hurle à ses abrutis hommes d’arme de s’écarter. Je profite de ce moment de chaos pour exécuter un mouvement que j’ai mainte fois travaillé et que je maîtrise.

Les secondes semblent s’étirer, mon sens aveugle et ma perception agressive me permettent de me glisser en une fraction de seconde le long de son échine. Ma lame jusqu’à sa gorge tendue par le sang bouillonnant de son cœur en fusion. Sa colère maîtrisée en battement de cil. Je le contrôle et mon cœur reprend son rythme si bas, mon corps si apaisé comme après un effort insurmontable.

Le temps reprend sa course normale.

Je sens chaque micro-goutte de sérotonine frapper mes organes, une sensation que je n’avais pas ressenti depuis des années.

Tout s’enchaine très vite.

Tout s’active autour de moi mais au ralenti dans mes yeux.

Après quelques dizaines de minutes, je me retrouve à la zone de mise en dégrisement du kaer, du coté de chez Orik Dartham. Je ne lâcherai plus Ragland des yeux avant qu’on ai pu le mettre en sécurité.

Mon corps me rappelle maintenant qu’il faut lui laisser le temps de se reconstruire. Si mon esprit ressent une certaine anxiété suite à la découverte de cet ork et surtout de la fissure dans l’enceinte magique du kaer, mon corps lui s’exprime clairement sur ces besoins vitaux.

Je me pose dans une cellule et laisse aller mon âme au repos…

Je respire une première fois.

J’expire…

Je respire une seconde fois.

J’expire…

Je respire une troi…

Ces quelques heures ont été bénéfiques. J’ai pu retrouver mes esprits. Cependant je sais que les événements qui s’annoncent vont faire basculer tout l’équilibre qui nous maintient.

Je comprends que Ragland avait pour but de faire le rituel, aucune autre chose, y compris la mort de Lain, n’avait d’importance à ses yeux. Il voulait devenir adepte.

Je retrouve Élysia qui m’informe qu’il a été découvert une seconde fissure dans la parois du kaer, au niveau de la porte d’entrée. Toutes les nouvelles informations nous conduisent à trouver le moyen de sortir d’ici, afin de contrôler l’intégrité de notre abri. Elle me propose, certainement dans un état de désespoir avancé, de voler les plans d’accès à la sortie.

Il nous faut retrouver un peu de lucidité.

Nous nous rendons chez Korrode pour lui faire part de l’avancée de nos recherches, avec les témoignages de nos apprentis.

Après quelques échanges, nous convenons de nous retrouver tous les trois chez l’archiviste. Dans un premier temps pour échanger avec lui sur ces différents événements et si besoin pour le convaincre, quitte à employer la force, de nous donner accès aux plans.

Elysia semble dans un état de panique avancée. Korrode quant à lui arrive à garder un sang-froid exemplaire, chaque instant lui permet de comprendre un peu plus nos réactions. on dirait presque qu’il s’amuse de nous voir basculer d’une émotion à une autre. Il faudra que je m’entretienne avec lui pour comprendre ce détachement qui peut avoir face à cette situation.

Nous arrivons devant la maison de Dorak. Tout semble calme. La porte fermée ne résiste pas à mes sorts. Nous avançons avec prudence et découvrons la salle des archives vide, des documents entreposés sur des étagères et des tables.

Nous avançons vers le bureau de Dorak.

C’est avec effroi que nous tombons nez à nez avec la dépouille de l’archiviste, pendu à une poutre de son bureau. Son regard se tourne vers les statues des passions qui semblent à leur tour, le juger. Je m’empresse avec Elysia de décrocher le pauvre bougre. Nous posons son corps inerte au sol et le traitant avec tout le respect qu’il se doit.

On raconte que les suicides étaient courant à la fermeture du Kaer, mais nous avons appris à vivre en connaissant la valeur de chaque minute. Korrode, pragmatique, commence alors par fouiller les alentours afin de comprendre et d’avancer dans notre quête.

Nous cherchons tout à tour et fouillons ce qui est sous nos yeux. Korrode en profite pour visiter les lieux interdits aux accès restreints. C’est avec un œil aiguisé et la découverte d’un courrier étrange que nous comprenons que des documents sont cachés dans la stèle qui supporte la statue représentant Jaspree, Passion de la croissance et des créatures sauvages.

Je reste sur mes gardes, attentif à ne pas nous faire surprendre. Les documents cachés que nous trouvons sont stupéfiants. Korrode prend quelques instant, pour les lire. Je vois l’étonnement dans son regard. Nous sommes face à quelque chose de beaucoup plus grand que nous l’aurions imaginé. Nous découvrons que nous sommes au cœur d’un mensonge qui dure depuis plusieurs générations. Le père de l’archiviste était lui aussi au courant ainsi que son père, et que son père à lui. La famille de Morael cache des choses à tout le monde depuis plusieurs générations. Ils ont triché volontairement sur les mesures du niveau de magie.

Nous sommes clairement face à quelque chose qui nous dépasse. Alors que nous reprenons nos esprits tant bien que mal, la femme de l’archiviste arrive avec ses enfants.

Nous gérons efficacement et rapidement la situation. L’adrénaline très certainement.

Korrode s’empare des documents et nous décidons de nous séparer. Le nécromancien mettra les preuves en lieu sur et nous, de notre côté feront en sorte d’être le plus prêts possible pour confronter Dartam.

Nous avons dans l’idée de rassembler les adeptes en qui nous pouvons avoir confiance, afin d’être prêt à une éventuelle confrontation physique.

Pour l’heure, il faut que nous trouvions le sommeil. Elysia désire dormir chez moi, la peur surement. Elle prend un peu d’avance et quand j’arrive je la découvre terrorisée. Elle me raconte qu’elle a subit les assauts de Glaive et de la femme de l’archiviste, accompagnée par sa fille. J’ai beaucoup de mal à comprendre ce qu’elle me raconte, elle me parle de pantins, de personnes dénué de tout sentiment de toute liberté. La colère monte en moi quand je découvre l’intérieur de ma demeure chamboulée. Elle m’indique le chemin par lequel ces individus sont partis. C’est clairement la direction du Nord vers chez Korrode.

Je saisis ma dague et m’empresse de prendre la route. La douleur de la fatigue me coupe les jambes, mon souffle est court et ma vision se trouble. Mais je lutte. Au bout de quelques instantsElysia s’effondre. Je dois choisir entre la jeune femme qui elle aussi est au bout de ses forces et le risque que les documents passent dans de mauvaises mains.

J’arrive au niveau du chemin des morts, et j’aperçois ces trois êtres étranges au comportement erratique, frapper à la porte d’une nécromancien qui semble résister aux assauts répétés.

Ma vision se trouble à nouveau mais je lutte…

Après une trentaine de minutes, ils décident de quitter les lieux. Je prends prudemment le chemin qui mène chez mon ami. Je crois que je peux considérer Korrode comme un ami. Même si pour lui cette notion abstraite.

Au bout de quelques instants, des voix semblent me percuter comme lors d’un combat, par devant, par l’arrière, à gauche, à droite, ces questions m’assaillent, comme des flèches, je me concentre de plus bel et avance. Comme dans des sables mouvants, mes pieds peinent à se soulever du sol. Je dégaine ma dague et l’agite dans tous les sens. J’alterne entre peur, confusion, colère et détermination.

À la lueur de mon quartz, j’en entrevois une silhouette à quelques mètres devant moi. Cette fois c’est certain, ce n’est pas une vue de mon esprit. J’interpelle celui qui se tient devant moi. Il ne semble pas hostile. Heureusement pour lui. Je suis déterminé.

Bien que dans un état de fatigue avancé, il me faut quelques minutes avant de comprendre qui est cette personne avant de reconnaître son visage. C’est Niels l’adepte illusionniste. Il commence par s’excuser de la méthode mais son but est bien de comprendre ce que je fais là. Il me demande pourquoi notre comportement à tous les trois est si étrange depuis quelques jours ?

Notre but était bel et bien d’informer les adeptes de la situation, mais je ne me sens pas prendre seul la responsabilité de tout lui raconter. Après tout, c’est un adepte qu’on ne voit que très rarement. Je sais qu’il est difficile de lui mentir, alors je décide de l’emmener avec moi chez Korrode.

Le nécromancien a été difficile à convaincre quant à l’ouverture de sa porte, mais ma colère a pris le dessus et malgré tout il a décidé de nous ouvrir. L’aspect répugnant de sa hutte, et les odeurs infectes qui s’en émane n’ont plus d’importance. Nous entrons.

Après quelques minutes de discussion, j’arrive à lire dans l’œil du nécromancien qu’il m’est possible de raconter toute notre histoire.

Niel boit mes paroles, les yeux écarquillés, et nous indique que de son côté, il a lui aussi remarqué des changements au sein du kaer. Il semble inquiet. Nous ne pouvons le rassurer.

Nous décidons de partir à la rencontre d’Elysia, afin de s’assurer que tout est en ordre avant de confronter Dartam. Nous retrouvons la jeune femme prise en charge par Voltan, l’adepte sorcier. Nous leur expliquons la situation.

Nous savons tous que la montre joue contre nous et décidons sans plus tarder de nous rendre au conseil.

En observant par la fenêtre, je constate que trois silhouettes sont couchées sur les bancs. Étrange. Je force la serrure sans aucun mal et entre avec Niels, suivi des trois autres, nous constatons que Glaive, la femme de Dorak et sa fille sont dans une torpeur dont on ne peut les tirer. Notre plan est clair, il faut surprendre Dartam. On rentre dans son bureau avec fureur, chacun prenant sa position afin de ne lui laisser aucune chance. Nous l’assaillons de question, tout s’accélère. Je sens la colère monter. J’ai beau essayer de me contrôler mais c’est plus fort que moi. Je me saisis de sa main avec force et le contrains afin qu’il comprenne que nous ne sommes pas là pour simplement échanger, mais pour comprendre la vérité. Korrode fouille la pièce à la recherche de registres suspects pendant qu’Elysia le harcèle de questions.

Le nain ne sait où donner de la tête, il semble parfois victime, parfois coupable, il s’énerve…

Alors qu’il se redresse et tente de se lever j’entre à nouveau en opposition mais c’est un échec, je sens en lui une force bien plus importante. Je me mets encore plus sur mes gardes…

Korrode décide de fouiller la salle des archives qui se trouve au fond du bureau, Dartam s’énerve de plus bel. de son côté, Niels observe ce qu’il se passe et l’attitude de notre interlocuteur l’interpelle. Ce qui nous incite à fouiller la petite salle.

Après, quelques instants, nous découvrons un mur sur lequel une rune immense, de plus de 2 m de haut, est gravé. Un cercle fendu en son milieu et quelques cercles autour. Alors que nous questionnons Dartam avec un ton de plus en plus menaçant, ce dernier finit par se murer dans un silence coupable. Son visage a changé, son regard s’est durci.

Korrode toujours très pragmatique, tente de comprendre la signification de ces dessins gravés, il use d’un tisonnier dans le but d’en déformer l’esthétique, ce qui fait sortir notre hôte de son mutisme. En une fraction de seconde, un œil hideux s’ouvre sur le mur, purulent, blessé, percé de tentacules.

Dartam s’effondre au sol en nous suppliant de ne pas la blesser, mais cette créature, cette horreur agressive tente d’attraper Elysia qui la frappe de son épée. Korrode aura moins de chance et se fait agripper à l’épaule et au cou. Je tente avec bien du mal de le libérer, en vain. Niels pétrifié ne sait comment réagir alors que je vois des filaments de magie se tisser autour des mains de Vastan.

Nous sommes en présence du mal absolu, l’horreur qui a corrompu Morael. La source de tout nos soucis j’en suis certain. Nous nous écartons pour rester hors de portée de ses tentacules. C’est avec effroi que nous voyons son œil se violacer, comme faisant appel à la plus obscure des magie. Son regard multiple fixe avec haine Korrode qui tente de résister à l‘assaut. Ce qu’il arrivera dans un premier temps. Mais au deuxième coup d’œil nous voyons le troll progressivement se changer en pierre, jusqu’a son dernier souffle.

Nous sommes impuissant face à cette œil. Seule la magie de l’adepte sorcier peut l’affecter. Cette rage qui monte en moi s’oppose à la peur viscérale de l’issue de ce combat. Je fais en sorte que tout le monde soit en sécurité et hors de portée des tentacules, ce serait dramatique de voir un second adepte transformé en pierre.

Heureusement, après de longues minutes, Vastan assène un dernier projectile magique avant de s’effondrer de fatigue. L’œil se ferme enfin et tombe en poussière, laissant un mur partiellement détruit.

Alors que je m’approche du nécromancien ce dernier reprends des couleurs, il semble peu à peu reprendre vie. Son œil rempli de terreur se met à cligner avec précipitation. C’est la première fois que j’arrive à lire en lui un espèce de sentiment.

Je le prend dans mes bras en comprenant très vite que ce n’était pas la réaction qu’il attendait. Qu’importe !

Le nain corrompu reste au sol, inconscient. Je suis persuadé qu’il est perdu et qu’il nous apportera aucune réponse. Cependant, la rencontre avec cette horreur a répondu à toutes nos questions… maintenant il va falloir savoir comment réagir…

Mais pour l’heure, ce qu’il me faut, c’est un bon verre de Hurlg et une nuit de sommeil…!

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